affurer

affurer

⇒AFFURER, verbe trans.
Argot
I.— Vx. Voler :
1. [Je tuerais dix hommes] pour affurer le négriot en question...
F. VIDOCQ, Les Vrais mystères de Paris, t. 5, 1844, p. 25.
2. Veut-on de l'anglais? voici le bichot, l'évêque, qui vient de bishop; raille, espion, qui vient de rascal, rascalion, coquin; pilche, étui, qui vient de pilcher, fourreau. Veut-on de l'allemand? voici le caleur, le garçon, kellner; le hers, le maître, herzog (duc). Veut-on du latin? voici frangir, casser, frangere; affurer, voler, fur; cadène, chaîne, catena.
V. HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 197.
P. ext. Cacher, dissimuler (de l'argent volé) :
3. Il aurait bien voulu savoir, le vieux crocodile, où je l'afurais mon petit pèze!... mon aubert mignon!... Il pouvait toujours courir! j'avais la prudence absolue... J'avais bien été à l'école... Il quittait jamais ma fouille ce petit volage, et même une planque bien épinglée dans l'intérieur de mon plastron... La confiance ne régnait pas... Moi, je les connaissais ses cachettes... Il en avait trois... Y en avait une dans le plancher... Une autre derrière le compteur... (une brique en bascule) et enfin une autre dans la tête même d'Hippocrate!
L.-F. CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 468.
II.— P. ext., souvent p. iron. Gagner, obtenir, recevoir à titre de récompense, de gain.
A.— Emploi trans. dir.
1. Gagner (de l'argent) :
4. Je buterais le Père éternel pour affurer une tune...
F. VIDOCQ, Les Vrais mystères de Paris, t. 7, 1844, p. 202.
5. ... [les femmes de la taule clandestine, préoccupées] d'affurer le grisbi maximum...
A. SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 173.
Absolument :
6. Il y en a [des forçats] (...) qui bien que gagnant des 15 et 20 francs par jour (...) n'ont jamais un rond — et encore (...) ils flambent [lire flambent = jouent] — et lorsqu'ils affurent c'est, comme le reste, pour le môme.
A.-L. DUSSORT, Le Ménage, 1929-1934, dép. par G. Esnault, 1953, p. 6.
2. Gagner (au jeu, dans une compétition, etc.). Obtenir :
7. [Ils] ne se cassaient pas le chou pour savoir qui affurerait le Goncourt.
A. LE BRETON, Razzia sur la chnouf, 1954, p. 22.
En affurer une :
8. Affurer une (En). Gagner une étape [argot de coureurs cyclistes].
SANDRY-CARR. Cycl. 1963, p. 202.
Absolument :
9. [Le cocher imbu de Courses, en juin 1940 :] Nous sommes cuits. Gamelon, c'est un cheval qui fait ses débuts sur les haies. C'est rare un débutant qui affure.
F. TRIGNOL, Pantruche, ou les Mémoires d'un truand, 1946, p. 67.
Rem. Le suj. de affure désigne le cheval sur lequel on mise.
3. Par antiphrase. Recevoir, récolter (des coups) :
10. Je me suis retiré de cette course : on pouvait tout juste affurer des coups!
A. SIMONIN, Le Petit Simonin illustré, dict. d'usage, 1957, p. 20.
11. J'ai affuré un coup de poing.
Ch.-L. CARABELLI, [Langue de la pègre].
Affurer la poix :
12. Se faire arrêter, — Mot à mot : se faire poisser. — « Ne flanche pas si t'es pavois. Tu n'affurerais que la poix. » (Max. [imes] arg., Grison, [18]80.)
L. LARCHEY, Dict. historique d'argot, nouveau suppl., 1889, p. 190.
4. [L'obj. désigne un âge évalué en années] Atteindre :
13. Affurant tous les deux vingt piges, y [Roméo et Juliette] n' pensaient qu'à s' filer rencard.
L. STOLLÉ, Douze récits historiques racontés en argot, 1947, p. 1.
B.— Emploi trans. indir. Affurer de.
1. Par iron. Recevoir :
14. [Cet adversaire revenait sur moi] en bonne posture pour affurer d'un coup de melon.
A. SIMONIN, Le Cave se rebiffe, 1954, p. 156.
2. P. ext. Avoir (un enfant) :
15. Il était une fois un Roi et une Reine qui affurèrent d'une petite môme.
L. STOLLÉ, Contes, La Belle au bois dormant, 1947, p. 1.
Rem. Peut être rattaché au sens « être productif », signalé par ESN. 1965; ou, plus vraisemblablement, au sens de « obtenir, recevoir » (comme on dit : ils ont eu un enfant).
Étymol. ET HIST. — 1596 « voler, tromper » (Variétés hist. et litt., VIII, 158 ds HUG. : Mon compagnon... s'advisa de m'affurer, c'est-à-dire tromper, car il s'en alla avec mon argent, et ne me resta que huict sols) début XIVe s. passé dans la lang. arg., supra.
Dér. de l'a. fr. furer « voler » (AIMÉ, Yst. de li Norm. VII, 18, Champollion ds GDF. : Il se saturoient de char qu'il furoient), lui-même empr. au b. lat. furare, lat. class. furari « voler » dep. Plaute (Bacchides 657 ds TLL s.v., 1639, 74 : harpaget furibus, furetur quod queat) et « tromper » dep. Tacite (Annales 3, 74 ibid., 1641, 28 : robore exercitus impar, furandi melior); préf. a-1.
STAT. — Fréq. abs. litt. :4.
BBG. — ESN. 1965. — GUIRAUD (P.). Mélanges d'étymologies argotiques et populaires. Cah. Lexicol. 1967, t. 10, n° 1, pp. 16-17. — MICHEL 1856. — SANDRY-CARR. 1963. — SANDRY-CARR. Cycl. 1963.

affurer [afyʀe] v. tr.
ÉTYM. 1596; de l'anc. franç. furer « voler », du bas lat. furare, lat. class. furari « voler ».
Argot.
1 Vx. Voler.
2 Mod. Gagner (de l'argent) au jeu, etc.
0 Les femmes à Pierrot qu'on se trompe pas, avec tous leurs vices et machins, si elles affurent trois Livres par jour ! c'est le bout du monde !
Céline, Guignol's band, p. 62.
Par antiphrase. || Affurer des coups : en recevoir.
3 Atteindre (un âge). || Il affurait cinquante piges.
4 Affurer de…, recevoir (A. Simonin, in T. L. F.).
DÉR. Affure.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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